Le Centre d’étude des théâtres de la Foire et de la Comédie Italienne a conduit de 2008 à 2012 un programme de recherche sur les parodies d’opéra au XVIIIe siècle. Ce programme a bénéficié d’un financement de l’ANR (projet POIESIS) et de la Région Pays de la Loire (projet CERPOAR). Il a été soutenu par la MSH Ange-Guépin de Nantes.

Genèse

La naissance de l’opéra en France au XVIIe siècle et son développement au XVIIIe ont engendré de nombreux spectacles parodiques qui prenaient pour cible ces opéras sur les scènes parisiennes (Comédie-Italienne, Théâtres de la Foire dont Opéra-Comique et théâtres de marionnettes) et sur les théâtres de société.

Ces spectacles, qu’on appellera parodies dramatiques, constituent un corpus estimé aujourd’hui à plus de 260 pièces. Au XVIIIe siècle les parodies d’opéra ont fasciné le public parisien, qui y courait en foule, depuis le petit peuple qui n’avait même pas vu, à l’Académie Royale de Musique, l’opéra parodié, jusqu’aux grands de la cour.

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En 2008, la moitié seulement des parodies d’opéras avaient été publiées, plus d’une centaine demeuraient à l’état de manuscrit, et, surtout, elles n’avaient jamais fait l’objet d’une étude globale et spécifique : les publications les concernant étaient éclatées et ponctuelles.

Le projet POIESIS et CERPOAR avait donc pour but de commencer à remédier à cet état de fait, en prenant en considération les causes du manque d’étude et de publication des parodies d’opéra, qu’on peut identifier ainsi :
– le discrédit du genre parodique, considéré comme mineur par rapport à une littérature dite majeure ;
– un genre éphémère, étroitement lié à une représentation. Éditer ces parodies nécessite d’identifier toutes les allusions au contexte de la source parodiée et à tous les acteurs culturels impliqués ;
– une création collective, parfois anonyme : la parodie d’opéra déconcerte les classificateurs et les historiens, car le pourcentage de participation d’un auteur n’est jamais quantifiable ;
– la difficulté d’accès aux sources musicales : les parodies d’opéra reposent principalement sur des vaudevilles (airs populaires sur lesquels on met de nouvelles paroles). Or pour redonner à ces œuvres parodiques leur dimension musicale, il faut retrouver les partitions de ces airs populaires, disséminés jusqu’à aujourd’hui dans des chansonniers du XVIIe et XVIIIe siècles, ou en fin de volume.


Chantier scientifique

L’éparpillement des sources implique tout d’abord un temps de recherche et de collecte dans six bibliothèques parisiennes où nous avons localisé de nombreux manuscrits ou imprimés et dans les bibliothèques numériques (Gallica ou Google livres).

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La collecte des parodies d’opéra

Les parodies sont conservées dans les ouvrages imprimés de l’époque comme le Théâtre de la Foire de Le Sage et d’Orneval, les Parodies du nouveau Théâtre Italien, le Théâtre de Favart, les Œuvres de Dancourt… et dans de nombreux manuscrits, parfois autographes. Ils sont principalement conservés à la Bibliothèque Nationale de France, à la Bibliothèque Historique de la Ville de Paris et aux Archives nationales.

La collecte des airs et vaudevilles

Elle s’effectue à partir des annexes musicales en fin de volume des pièces éditées, à partir des chansonniers du XVIIIe siècle (La Clé des chansonniers de Ballard, Le Chansonnier français…) et dans les partitions des opéras et ballets parodiés.


Chantier technique

Le projet a pour ambition de mettre à la disposition du plus grand nombre ces manuscrits et éditions difficiles d’accès. Pour ce faire, le CETHEFI construit THEAVILLE, une base de données interactive composée d’éléments textuels et sonores.

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L’intérêt est de permettre aux internautes de consulter la totalité des parodies d’opéra retrouvées et d’entendre les airs sur lesquels étaient chantées les paroles. Un catalogue interactif permet la recherche par auteur, par date et lieu de représentation et surtout par opéra. On est ainsi en mesure de savoir si une tragédie en musique, un ballet ou une pastorale a généré un grand nombre de parodies et d’évaluer de la sorte son succès, car plus un opéra est parodié, plus il a dû susciter d’enthousiasme.

Grâce au travail de reconstitution mené par les chercheurs en musicologie et aux ingénieurs associés au projet, la base permet un accès indépendant à plus de 2000 mélodies et à leurs partitions (téléchargeables gratuitement). Les possibilités de recherche sont multiples, on peut identifier un air à partir d’une mélodie.

Le colloque final de ce programme dont l’enjeu est d’évaluer la portée littéraire, musicale et esthétique de toutes les formes de parodies d’opéra sous l’Ancien Régime et sa réception au XIXe siècle, s’est déroulé les 29, 30 et 31 mars 2012. Il a réuni des chercheurs du monde entier en lettres, art du spectacle, musicologie, histoire de l’art.

Enjeux du projet

mettre en lumière un vaste pan du patrimoine culturel souvent considéré au XVIIIe siècle comme « non officiel », et qui s’est construit en marge des grandes créations de l’Académie royale de musique ;

mieux comprendre et connaître les chefs-d’œuvre de l’art lyrique : sur un plan expérimental les parodies fournissent de multiples renseignements sur les danseurs, les décors, la mise en scène, les réactions du public ; sur un plan esthétique, elles permettent d’appréhender l’évolution des systèmes de valeur, les mutations du goût ;

retrouver les conditions de création des parodies d’opéra, à partir du dépouillement des archives de police, témoignant des nombreux procès intentés aux entrepreneurs des spectacles de foire n’ayant pas respecté les privilèges et les accords ;

étudier la sociologie des publics : les théâtres forains sont un étonnant lieu de mixité sociale ;

interroger la notion d’œuvre originale et analyser dans toute sa complexité la pratique de l’intertextualité et de la réécriture.

Partenaires

L'ANR – L’Agence Nationale de la Recherche

La MSH – La Maison des Sciences de l’Homme Ange-Guépin – Nantes

La Région Pays de la Loire

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